

24 ans après les débuts, que reste-t-il de la magie de l'E3 ?
Depuis 1995, l'E3 est un pèlerinage pour tous les passionnés et professionnels du jeu-vidéo. Mais c'est aussi un événement qui semble aujourd'hui, plus que jamais, entrer dans une nouvelle ère.
2019 M06 12
Ah L'E3... Chaque année, quelques mois avant et pendant l'évènement, le coeur de nombreux joueurs s'emballent. L'idée de conférer au jeu vidéo un salon digne de ce nom ne date pas d'hier. De 1995 pour être exact. Avant ça, le dixième art ne disposait pas d'événement dédié, si ce n'est une représentation au Consumer Electronics Show (CES), un salon plus généraliste. Une injustice pour un média déjà bien encré dans la culture populaire.

Les débuts
A sa création, l'Electronic Entertainment Expo (E3) cumule 50 000 visiteurs. Il est alors rapidement décidé d'en faire un rendez-vous annuel. Un salon à la démesure du lieu où il se tient, au Convention Center de Los Angeles. (exceptée les éditions 2007 et 2008 qui ont eu lieu à Santa Monica)
Pour rappel, c'est ici que les constructeurs et éditeurs du monde entier lèvent le voile sur leurs futures productions harware et software, qu'il s'agisse des indies, ou des gros triples A qui cassent des bouches. Longtemps exclusivement réservé aux professionnels du secteur, en 2017, le salon s'ouvre pour la première fois au grand public, avec 15 000 billets mis en vente le 13 février.
Et si quelques privilégiés peuvent se vanter de toucher les prochains hits vidéoludiques en avant-première, le reste du monde peut quand même embarquer pour le train de la hype, et ce grâce aux conférences.
Le bal des conférences
Nous mettre des étoiles dans les yeux à grands coups d'effet d'annonce, de surprises et de mises en scène spéctaculaire, telle est la formule d'une conférence de presse réussi à l'E3. Chaque année, les éditeurs (Nintendo, Sony, Microsoft, Square Enix, Ubisoft, Bethesda entre autres...) tentent de redoubler d'ingéniosité pour prendre le dessus sur la concurrence et nous faire saliver sur leurs prochaines pépites à venir. Tout ça lors de véritables shows à l'américaine.

Si cette édition 2019 a entre autres été marquée par Xbox et l'apparition de Keanu Reeves venu présenter son avatar dans Cyberpunk 2077, de la hype, dans l'histoire de l'E3, il y en a eu : l'annonce de la PlayStation et son discours mythique des "299 dollars", l'arrivée de Microsoft et sa Xbox sur le marché des consoles ou encore l'annonce de la Révolution de Nintendo, une machine que l'on connaîtra plus tard sous le nom de Wii n'en sont que quelques exemples.
Mais sans jeux, une console n'est rien. En cela l'E3 s'est historiquement placé en maître pour vendre du rêve. Personne n'a oublié l'annonce en 2004 de The Legend of Zelda Twilight Princess avec un trailer épique habillé de la musique du film Conan le Barbare, juste avant bien sûr que Shigeru Miyamoto n'entre en scène bouclier Hylia et épée de légende à la main.
On pense aussi au jour où Microsoft a volé l'exclusivité Final Fantasy XIII à Sony, ou encore la première divulgation de Shenmue 3 en 2015 (jeu qui n'est d'ailleurs toujours pas sorti, mais passons...). Des annonces mémorables, il y en a eu plein et chacun se sera forgé ses propres souvenirs.
L'E3, c'est aussi son lot de personnages emblématiques : Reggie Fils Aimé, l'ancien président de Nintendo of America, devenu un meme avec son célèbre "My body is ready" prononcé durant la présentation de Wii Fit, Ideo Kojima et ses teasings mémorables, ou encore Aisha Tyler, l'actrice et célèbre présentatrice des confs Ubisoft et j'en passe...
Bref, l'E3 ça fait kiffer, ça fait rêver. Pourtant, alors que la cuvée de confs 2019 vient de s'achever, tout porte à croire que le salon arrive à un tournant de son histoire, tout comme l'industrie du jeu vidéo d'ailleurs.
Vers la fin de l'E3 ?
Tel qu'on le connait aujourd'hui en tout cas. D'année en année, le salon aussi prestigieux soit-il n'a cessé de perdre de son aura. À l'image de la dématérialisation des jeux vidéo, on a progressivement assisté à une dématérialisation des conférences.
S'agissant d'opérations marketing dantesques, leur organisation coûte très cher aux éditeurs. De plus, elles ne sont pas forcément gage de succès. Résutat, les prises de risques sont moindres et les conférences de presse de l'E3 ces dernières années sont globalement moins marquantes.

Un phénomène amplifié par le fait que de plus en plus d'éditeurs phares choisissent de bouder le bal, comme ce qui fut le cas pour Sony cette année. Une première pour la maison-mère de PlayStation qui a préféré organiser elle-même sa propre vitrine via ses fameux State of Play. Un procédé bien moins coûteux qu'une conférence traditionnelle.
Une démarche déjà amorcée par Nintendo depuis 2013. Plutôt qu'une conférence au sens strict du terme, Big N fait le choix du Nintendo Direct, une méthode de communication à moindre coup sous forme de spots pré-enregistrés et réguliers. En plus d'être fédératrice, cette stratégie permet aussi d'éviter les aléas du direct et les bad buzz. On se souvient tous du fiasco de la présentation de Wii Music, l'un des plus gros bides de l'histoire de la firme nipponne.
Mais alors l'E3 est-il mort pour autant ? Ensemble, clamons-le haut et fort : non ! Car même si certains éditeurs désertent le salon, et que les conférences sont moins mémorables, il y a de nombreux stands qui tentent chaque année d'innover. Par exemple, on voit se multiplier ces dernières années, les événements musicaux. (à l'image du concert symphonique hommage à Final Fantasy VII organisé en amont de la conférence Square Enix). Il y a aussi Nintendo et ses World Championships qui d'année en année montre de plus en plus son ouverture à l'eSport. Tout ça en plus de tester les jeu. Bref il y a de quoi faire.
Pour preuve, le salon attire toujours autant plus de monde. Depuis 2009 le nombre de visiteurs ne fait qu'augmenter (avec un pic de 69 200 visiteurs l'année dernière). Sans compter le nombre croissant de viewers qui suivent l'événement au travers les influenceurs de Twitch et Youtube.

Bien que les leaks en amont gâchent quelque peu la hype et le suspens des annonces, L'E3 est et restera dans l'esprit des joueurs, un moment de partage entre passionnés, une véritable messe. Une sorte de "coupe du monde" des gamers où l'on prend plaisir chaque année à se réunir entre potes pour rêver et s'émouvoir ensemble devant du spectacle et des nouvelles annonces.
Et puis pourquoi s'inquiéter ? Si cet E3 2019 avait des airs d'édition de transition avec la next gen qui arrive, celle-ci devrait sans trop de mal faire repartir la machine comme à la grande époque. Wait and see comme on dit.